Interview avec Najia Abadi

Najia Abadi représente fièrement la femme marocaine dans son pays et à l'étranger. Diplômée de la chambre de couture parisienne, elle a travaillé dans plusieurs maisons de haute couture française et suisse. Pour façonner, modeler les tissus, Najia y met toute sa sensibilité et ses compétences. Elle fait évoluer cette tenue traditionnelle marocaine à travers les collections qu'elle expose. Dans cet interview, nous allons découvrir cette femme très active.




Une brève présentation ?
Abadi Najia, styliste, présidente fondatrice de la Fédération de la couture traditionnelle marocaine, et Fondatrice de l’événement Fashion Days Maroc.

Comment décrirez-vous votre enfance ?
J'ai grandi dans une famille très conservatrice. Mon enfance fût bien remplie, entre l’école, la couture avec ma mère et la peinture. Je passais très peu de temps à jouer à la poupée, mais plutôt à fabriquer des robes et caftans pour ma poupée. J’étais la seule fille de la famille à faire du vélo, à sortir toute seule pour me promener parce que j’avais de très bonnes notes à l’école. J'étais aussi très souvent punie et privée de sorties car je me révoltais souvent contre les restrictions de notre famille.

Votre parcours scolaire ?
Une fois mon cursus scolaire terminé, j’avais de bonnes notes qui me permettaient d'étudier en FAC de médecine. J’étais fascinée par la chirurgie. Je voulais que mon père soit fier de moi et avoir un médecin dans la famille, mais il fallait pour cela partir à l’étranger. Là était le problème, pas question de quitter le Maroc! J’avais beaucoup de chance hamdoulillah car au moment où tout allait de travers, et que je pensais que mon avenir allait être un désastre, je fais la connaissance de mon future mari, mon seul et unique amour, mon sauveur. Nous nous sommes tout de suite tombés amoureux l’un de l’autre. Il a tout compris par rapport à ma situation familiale et aux restrictions et m’a de suite demandé au mariage. Il m’a laissé choisir les études que je désirais le plus. Après mûres réflexions et méditations, je lui ai parlé de mon rêve caché, dont je n’osais parler avec mon père: faire des études dans le dessin et le stylisme. Chose faite juste après notre mariage. Nous nous envolons pour Paris où j’ai suivi un cursus de 4 ans.


Qu'est-ce qui vous a donné l'envie de faire du stylisme?
Toute la frustration que j’avais enfoui en moi : je devais avoir l’autorisation de mon père pour mettre telle ou telle chose. Il y avait beaucoup d’interdis dans ma façon de m’habiller, par exemple (pantalon, robe courte, short, jupe etc. interdis), et cela me mettait en rogne. Je voulais m’habiller comme mes copines et cela faisait peur à mon père qui me permettait de mettre seulement les habits qui ne mettaient pas en valeur mon corps.

Je dessinais bien étant très jeune, je coupais les robes de ma poupée, j’aidais ma mère dans la confection des caftans, j’avais ma tête qui bouillonnait de créativité et il fallait la convertir en dessin. Je ne possédais pas les techniques, et je voulais vraiment les apprendre mais dans une école. J’ai eu la chance de travailler et de faire des stages dans plusieurs bureaux de création aux secteurs parfois très différents.



Comment décririez-vous vos créations? Comment reconnaître une création de Najia Abadi parmi d'autres?
Mes créations sont tout de suite reconnues, par leur simplicité, par les coupes modernes mais toujours avec la touche marocaine. Par exemple, je crée des modèles avant-gardistes et deux ou trois ans après nous les retrouvons parmi les dernières tendances. Mon point fort est la simplicité,la diversité et la nouveauté. Je crée un modèle par jour minimum en temps libre mais quand j’ai une collection, je peux créer jusqu’à 50 modèles par semaine.

Qu'est-ce que, selon vous, le stylisme ?
Le styliste est une personne chargée de dessiner un ou plusieurs vêtements pour alors former une collection. Le styliste peut également travailler sur mesure, à la demande du client. Le styliste peut travailler en équipe ou seul. Il dessine toujours sa collection au moins une année en avance, car il faut du temps pour la créer. Pour ses créations, il peut s’inspirer de tableaux, de photographies, de cultures, de bâtiments. Il fait d'abord un choix de tissus. Le stylisme fait rêver beaucoup de filles. Un styliste doit d’abord définir le thème, la ligne conductrice de la collection. Les bureaux de création font appel aux bureaux de style qui répertorient les futures tendances dans les sacro-saintes bibles de la mode “les books tendance": couleurs, matériaux, coloris, textures. Le styliste n’a plus qu’à définir sa propre histoire en piochant dans ses catalogues précieux. 

Il crée son propre carnet de recherches et ses pages d’ambiance, dites moodboards en jargon fashion. Ce sont de larges panneaux recouverts de photos d’inspirations, tous domaines confondus (design, architecture, photographie, nature, sport, automobile, nourriture, etc.). Tout est bon pour définir l’univers général de la collection. Une fois que le thème et la gamme colorée ont été validés, le styliste part à la recherche des tissus de la collection auprès des fournisseurs de textiles ou via des salons internationaux. L’idée est de définir une première sélection assez vite pour commencer les croquis car contrairement aux idées reçues, ce n’est pas le dessin qui influence le tissu : la matière donne des indications sur le rendu final, le tombé et la forme générale. Dans certains cas, le styliste est amené à faire des manipulations textiles pour donner un exemple concret du modèle qu’il a en tête, au modéliste ou à celui qui va réaliser le patron.

Fashion Days a connu un grand succès, comment avez-vous eu cet idée ? C'est pour quand le grand retour ? Des infos ?
L’idée de créer cet événement n’est pas venu par hasard. J'ai assisté à beaucoup d'événements de mode à l’étranger. Nous avons rêvé, et rêvé, pendant trois années consécutives,

C’était dur et presque impossible à réaliser, mais un jour, un ami m'a contacté et m'a sifflé d'aller demander une subvention à l'Union Européenne. J’ai déposé une demande, et répondu à un milliard de questions. J’ai également répondu à une longue note succincte pour expliquer le pourquoi du comment, et miracle ! Ils nous ont accordé leur aide pour lancer cet événement, mais je n’y serai jamais arrivée toute seule sans l’aide de notre directeur artistique Gil Tardieu, la doyenne de la Fédération Madame Fadilah Berrada et notre Parrain Monsieur Xavier Guerrand Hermès. Et c’est chose faite ! Nous avons lancé la première et la deuxième édition à l’hôtel mythique la Mamounia Marrakech.

Tous les pays avaient leur Fashion Week. Au Maroc, c’était impérative!  Il nous fallait notre Fashion Week. La société de nos jours est en pleine évolution. Le milieu de la mode n’est pas en reste face au progrès car de nouvelles tendances voient le jour. Nous voulons véhiculer ainsi l’image de la profession au niveau national et international en organisant le Fashion Days Maroc. Le Fashion Days Maroc devient donc le rendez- vous incontournable des mordus de la mode pour découvrir les dernières créations marocaines et étrangères. Une occasion unique pour les créateurs de nationalités différentes d’échanger leurs expériences et une opportunité d’ouverture vers le monde de la haute couture permettant par la même occasion aux artisans locaux de préserver leur savoir-faire ancestral. Le Maroc avec son histoire et son emplacement géographique, représente un pont idéal de dialogue entre les différentes cultures et civilisation européenne.

Le comité organisateur de Fashion Days Maroc a décidé d’exporter cet événement à l’international, notamment le Moyen Orient, (Dubai, Qatar, Bahreïn, Amman, Arabie Saoudite etc..) c’est le plus gros marché du caftan aujourd’hui. Si Rome ne vient pas à toi, toi tu vas vers elle...Il faut que le créateur marocain puisse vendre pour pouvoir créer de nouvelles tendances car une collection coûte très cher . Fashion Days Maroc aura lieu bientôt dans son pays natal le Maroc, vous serez mise au courant la première je vous le promets.


Comment percevez-vous l'industrie du stylisme au Maroc?
Au Maroc, nous avons beaucoup de stylistes bourrés de talents et de créativités, mais il faut les aider, les coacher et leur faire confiance. L’industrie au Maroc n’est pas seulement le stylisme mais le reste….si le styliste crée et le reste ne suit pas, cela ne marchera jamais. Vous avez par exemple des usines qui emploient des internationaux et les rémunèrent très bien, et quand il s’agit d’un styliste marocain il est très mal rémunéré, donc pas de motivation, pas de création.

L’industrie au Maroc se porte très bien pour l’instant, néanmoins il y a des entreprises qui ne sont pas sérieuses, et qui promettent des délais de livraison ou autre et ne tiennent pas leur paroles ce qui pousse le client à voir ailleurs: en Chine ou en Turquie par exemple. C’est le cas d’un gros marché américain. Ils nous ont testé et ne sont plus retournés fabriquer au Maroc.

Votre première création était ? En quelle année?
En 1983 ma robe de mariée, je l’ai faite entièrement par moi même.

Quelles sont les qualités requises du styliste ?
Le styliste doit être capable de s'imprégner des courants de pensée et d'esthétique pour en tirer les caractères essentiels de la mode à venir. Il est donc observateur, intuitif, imaginatif et bien entendu dessine parfaitement. Animateur ou intégré à une équipe, il a l'esprit du travail collectif, mais aussi une personnalité assez forte pour imposer son style.

Que vous apporte ce métier ?
Ce métier m’a beaucoup apporté et m’a beaucoup appris en faisant ce que j’aime: créer, m’inspirer, et écouter. Il m’a appris à être patiente, et il me fait oublier le monde entier quand je commence une collection.

Vous travaillez surtout avec des particuliers ? 
Oui et non, en ce moment je déborde de créativité, je travaille sur plusieurs collections pour l’export.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre métier ?
Les difficultés que je rencontre personnellement sont : manque de tissus haute gamme, manque de bureaux de styles, de fournitures d’accessoires etc….

Votre création préférée?
Ma robe de mariée, et ma collection de 2004 pour l’événement Caftan 2004 au Théatre Royale de Marrakech.

Vos designers préférés?
Elie Saab et Jean Paul Gaultier.

Je vous propose, un petit portrait chinois. Que ou qui seriez-vous si vous étiez:


Un fruit ? l'orange.
Un pays ? le Maroc.
Une couleur ?  le rouge parce que c’est l’une des couleurs du drapeau marocain et que ça me plait .
Un personnage historique ? Khéops dont le nom égyptien est Khoufou.
Un film ? Amour, Gloire et Beauté.
Un acteur ? Julia Roberts.
Une qualité ? La perfection, car j’aime quand tout est bien fait.
Un objet ? Un scooter parce que j'aime rouler sur la route.

Votre rêve ?
La paix dans le monde. J'espère que la mode au Maroc prenne sa place à l’international et soit reconnue mondialement.

Votre actualité ?
Pour ma part, je prépare une nouvelle collection pour 2016. Concernant les événements à venir, je vous en parlerai plus tard, car je préfère garder mes projets secrets.

Un mot pour tous ceux et celles qui vous connaissent et vous reconnaîtront ...
Je remercie vivement toutes les personnes qui m’ont soutenu professionnellement et personnellement. Elles se reconnaîtront ...


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